Reporting, rapport d’activité, communication sur les chiffres sont autant d’occasions ratées pour motiver vos équipes. Qu’elles soient collectives ou en face à face, ces réunions suscitent aujourd’hui au mieux de l’intérêt, au pire de l’ennui.
Il est évidemment nécessaire de valider l’alignement entre les résultats et les objectifs, voire la stratégie. Le reporting est en cela parfaitement légitime. Néanmoins, il possède en son sein plusieurs écueils :
– il est basé sur le passé, par définition, et est donc construit et animé en mode constat
– il arrive souvent trop tard et ne permet pas d’améliorer de façon continue une situation
– il est descendant avec 40 slides ou 39 tableaux !
– il comporte une multitude de chiffres, KPIs, toujours plus complexes et indigestes
– il est porté par un orateur qui, au mieux, a de réelles compétences en prise de parole en public, mais c’est souvent loin d’être le cas
– il génère un concours de justifications
1ère étape : des KPIs aux… KPIs
Et si vous passiez des « Key Performance Indicators » aux « Key Progression Indicators » ? Bien entendu, les indicateurs de résultats sont nécessaires pour mesurer l’activité. Mais ils doivent être complétés d’indicateurs de pilotage qui, observés plus fréquemment, permettent d’ajuster le tir et d’atteindre les objectifs de résultat. Par ailleurs, au-delà des indicateurs émanant du business, que nous nommerons VOB (Voice Of Business), nous vous recommandons de suivre des KPI VOC (Voice Of Customer). Le client étant le dénominateur commun autour duquel tout le monde se retrouve.
Vous devez donc construire un ensemble d’indicateurs qui doivent compléter chaque cadran du tableau ci-dessous :
Indicateurs de pilotage | Indicateurs de résultats | |
Voix du Client | A | B |
Voix du Business | C | D |
Prenons l’exemple d’un supermarché. Ses objectifs de résultats (VOB) seront, par exemple, d’accroître son chiffre d’affaires du mois par rapport à l’année passée, son panier moyen, d’atteindre un certain niveau de vente sur une nouvelle gamme entrée en linéaire, de stabiliser la consommation d’électricité, la charge salariale ou encore d’augmenter la marge moyenne. Nous sommes donc dans le cadran D, qui ne permet pas de piloter ni de challenger le résultat mais de l’observer.
Si notre gérant de magasin avait pensé à des indicateurs de pilotage à orientation business (cadran C), en période plus critique, il aurait probablement engrangé de meilleurs résultats en D.
Si nous prenons le paramètre de la stabilisation de la consommation d’électricité en période de progression des prix de l’énergie, son KPI de pilotage pourrait être le remplacement chaque semaine de 30 lampes classiques par des lampes LED, afin d’équiper son magasin au bout de deux mois, et limiter ainsi l’impact sur les charges. Si le KPI de résultat est de maintenir la consommation d’électricité et que notre gérant n’avait pas construit de KPI de pilotage, il aurait peut-être constaté l’augmentation des prix au bout du premier mois et aurait changé son éclairage en une fois le mois suivant.
Pour les KPI « voix du client » (VOC), imaginons que notre gérant veuille mesurer la satisfaction de ses clients suite à des achats dans son enseigne. Le KPI de résultat sera certainement un Net promotor score (le NPS est un indicateur de fidélité des clients sur la base d’une seule question : quelle est la probabilité que vous recommandiez une entreprise/une marque/un produit X à un ami/collègue/membre de votre famille ?) qu’il mesurera tous les trois mois et au mieux tous les mois. Il se trouvera dans le cadran B.
De nouveau, si cet indicateur se détériore pendant trois mois, il ne le saura qu’au bout de cette période. Pour mesurer la satisfaction de façon continue, il pourrait installer une borne à la sortie des caisses permettant aux clients de donner leur avis sur leur expérience dans le magasin en appuyant simplement sur un bouton représentant un émoticône sourire, neutre, négatif (cadran A).
Il s’agit de sélectionner une série de KPI limités, par opposition au tableau de bord à 130 chiffres, qui permettront d’avoir une vue rapide et globale de l’activité. L’objectif est donc de commenter des indicateurs suffisamment variés et pertinents pour analyser la situation. D’autres KPI plus spécifiques permettant d’aller plus loin dans l’analyse seront discutés en dehors de la réunion de pilotage de performance : dans une réunion collective ou bilatérale de résolution de problèmes ou de correction de processus, par exemple. Chaque jour, il pourra donc analyser les raisons d’une hausse ou d’une baisse de satisfaction, trouver un remède à un problème qui peut être récurrent plutôt que d’attendre le diagnostic global d’une étude plus complète au bout de trois mois.
2ème étape : faire évoluer les comportements lors des reporting
Si vous demandiez à vos collaborateurs : « Qu’est-ce qui est source d’ennui lors des reporting ? », les réponses tourneront autour de « monologue, phase descendante, absence de valeur ajoutée etc. », ce que globalement nous faisons tous.
Faire évoluer les reporting, c’est accepter de changer certaines habitudes. Désormais, il doit :
– durer 30 minutes et se tenir debout
– avoir lieu chaque jour ou chaque semaine selon le business, l’activité, le département que l’on analyse.
– chaque collaborateur est responsable d’un ou plusieurs indicateurs : il donne la tendance, partage ses analyses et ses explications, ainsi que les actions correctrices qu’il a imaginées.
– l’animation ne se fait pas via des slides mais avec un tableau blanc : elle doit être visuelle et vivante.
– chaque responsable de KPI utilise des post-it ou des graphiques découpés illustrant le KPI ainsi que des pastilles de couleurs : vert quand cela fonctionne, orange quand c’est à surveiller, rouge quand on doit creuser.
Quand nous mettons en place ces approches, deux écueils majeurs apparaissent :
1- S’imposer un rythme journalier ou hebdomadaire peut apparaître en décalage avec notre propos. En réalité, non, car les collaborateurs ne se sentent plus en situation de reporting mais en démarche de progrès et d’ajustement constant.
Ce rythme est par ailleurs parfaitement adapté tant pour les clients externes qu’internes. Tout ce que nous suivons et orchestrons en interne a bien un but ultime : satisfaire le client final. Il faut donc synchroniser les périodes d’analyse et de correction des processus dans l’organisation. Quelles sont les entreprises qui ne cherchent pas à associer les directions humaines, commerciales ou comptables dans des logiques transversales afin d’améliorer d’un bout à l’autre l’expérience client ?
Nous insistons également sur l’intérêt de cette démarche qui permet de varier les « plaisirs » d’animation des réunions dans des services moins habitués aux réunions de co-construction, comme une direction comptable ou juridique. Cette démarche n’est donc pas une méthode dédiée exclusivement aux départements commerciaux ou marketing, bien au contraire.
2- Avec cette approche, le manager partage le pouvoir. Il coache, se positionne en ressources pour accompagner son collaborateur et lui permettre de faire émerger les solutions idoines. Dans le cas où un collaborateur éprouve des difficultés à apporter des solutions, ses collègues l’aideront et apporteront des solutions lors de la réunion collective.
3ème étape : que faire lorsqu’un KPI n’est pas au niveau attendu ?
Chaque indicateur, orange ou rouge, doit être discuté avec l’équipe et une action doit être adressée dans un tableau blanc également. Ce poster est divisé en 4 colonnes pour optimiser le suivi et connaître le statut de réalisation de l’action : « actions identifiées, adressées, traitées et validées ».
La tâche évolue donc d’une colonne à l’autre selon l’avancement de sa réalisation et doit tenir le délai indiqué sur le post-it.
Chaque personne du comité de pilotage aura un post-it avec son nom sur le tableau et les tâches qu’il prendra en charge. Il en devient donc le responsable même s’il décide d’en déléguer la réalisation à un tiers. Chaque début de « réunion de performance » commence par un rapide bilan du plan d’actions précédent.
Les actions « validées » par le comité de pilotage, et donc considérées comme terminées, doivent avoir un effet direct sur le KPI qui n’est pas à niveau. Les collaborateurs garderons donc bien à l’œil les KPI visés par des actions d’amélioration, afin d’évaluer si ceux-ci sont en progression. Si les actions n’ont pas permis de ramener le KPI dans le « vert » rapidement, il faudra traiter le problème lors d’une réunion spécifique.
En définitive, toute cette démarche permet de :
– rendre dynamique des moments jugés pénibles par bien des collaborateurs
– partager le pouvoir et d’augmenter le niveau d’implication des équipes
– organiser sa structure autour du client.